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  • zenitudetrans

"Allô, Madame Desbiens ? Non, Monsieur, en fait !"


Parler en public ou au téléphone a toujours été un défi pour moi, mais depuis ma transition, c'est devenu une véritable aventure. Imaginez ça : un lundi matin, je suis confortablement installé avec mon café quand le téléphone sonne. Je décroche, déjà en train de me préparer mentalement à ce qui va suivre.


"Allô, est-ce que je pourrais parler à Madame Desbiens, s'il vous plaît ?"


Ah, Madame Desbiens. La légendaire. La fameuse. La fantastique personne que je n’ai jamais été. Chaque fois, c'est le même scénario. Ma voix grave résonne à travers la ligne, trahissant mon existence. Il n’y a aucun échappatoire. Les options sont limitées : faire semblant d'être Madame Desbiens (ce qui serait, avouons-le, un numéro de haute voltige théâtrale) ou faire mon coming-out à ce parfait inconnu pour la énième fois.


Alors je réponds, un sourire en coin : "En fait, ici, c'est Monsieur Desbiens."


S'ensuit généralement un moment de silence gêné. Je peux presque entendre les rouages tourner dans la tête de mon interlocuteur. Parfois, je me demande s’ils imaginent que j’ai un double vie palpitante, passant de monsieur à madame comme un agent secret de la CIA en mission.


Il y a eu des moments où la confusion était telle que je devais vraiment déployer des trésors de patience et d'humour pour expliquer la situation. Une fois, un vendeur particulièrement tenace a insisté pour parler à "Madame", me forçant à détailler mon histoire de transition. Je me suis retrouvé à expliquer la différence entre une opération chirurgicale et une simple décision administrative. J'aurais dû lui envoyer la facture pour cette petite leçon d’éducation trans.


Mais il y a aussi des moments de pure comédie. Un jour, quelqu'un a répondu, "Oh, désolé, Monsieur Desbiens. Vous avez une voix vraiment unique !" J'ai failli éclater de rire. Unique ? C'est la moindre des choses qu’on puisse dire !


Pour ajouter à la comédie de cette situation, ma compagne adore écouter ces conversations. Elle se cache dans la pièce voisine, étouffant ses rires à chaque fois que je fais face à un nouvel interlocuteur perplexe. Parfois, elle me propose des répliques humoristiques à utiliser. "Tu devrais dire que Madame Desbiens est en vacances et que tu es son garde du corps !"


Ces moments peuvent être frustrants, mais ils sont aussi une occasion d'affirmer mon identité avec un brin d'humour. Parce qu’au fond, si je ne peux pas rire de ces situations, qui le fera ? Chaque appel téléphonique est une nouvelle opportunité de faire de l'éducation de manière légère et de montrer que, oui, les gens trans existent et, non, nous ne mordons pas (sauf peut-être avant le café du matin).


Alors, la prochaine fois que quelqu'un demandera à parler à Madame Desbiens, je serai prêt. Armé de mon humour et de ma patience, je continuerai de naviguer ces appels avec un sourire. Parce qu'après tout, la vie est bien trop courte pour ne pas en rire un peu, même (ou surtout) au téléphone.


Et qui sait ? Peut-être qu'un jour, ce sera Monsieur Desbiens que l'on cherchera à joindre. En attendant, je vais continuer à répondre avec humour et à transformer chaque appel en une petite victoire personnelle. Parce que même dans les moments de confusion, il y a toujours de la place pour une bonne blague.


Extrait du journal personnel (souvenirs 2008) de Samuel


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