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  • zenitudetrans

''Mon été à poil''


Ce titre a attiré votre attention ! Vous vous êtes dit : je vais lire une tranche de sa vie un peu croustillante du genre. Il a passé son été dans un camp de nudistes. (rire). Eh bien non ! Désolé de vous décevoir, chers lecteur.trice.s, mais il s'agit d'autre chose.


L'adolescence, c'est la mutation du corps. Mon corps s'exprimera dans un duel du masculin contre le féminin. Mon enveloppe corporelle entamera des modifications qui me terrifient, et je me sens si impuissant devant cette réalité incontournable. J'aime bien ce corps pubère aux formes plus masculines, ce torse plat, cette taille et ces hanches sans courbures disgracieuses. Il va changer et je n'ai pas le contrôle sur le processus de maturité de ce corps, cela me déprime. Je prie très fort pour que cela n'arrive pas.


C'est à l'apparition de mes premières règles que j'ai eu le plus peur de vieillir. C'était comme si on venait de m'estampiller le mot ''femme'' direct sur le front à la vue de tous. Ce qui devait être, arriva. C'était maintenant irréversible : ce corps de trahison avait décidé pour le ''petit homme dans ma tête''. Au juste, c'est quoi être une femme ? Même ma mère n'était pas capable d'y répondre.


Si je me compare aux autres filles, c'est bien cela que l'on fait à l'adolescence, n'est-ce pas, on se compare. Je me console : ma poitrine est à peine développée, il y a des gars rondelets qui en ont le double. Ma taille et mes hanches sont pratiquement restées les mêmes. Mes épaules se sont légèrement élargies et épaissies, sans doute que la pratique du tae kwon do (arts martiaux, que je pratique depuis quelque temps) y est pour quelque chose ; je n'accumule donc pas de graisse.


Ce que je préfère de cette transition naturelle, c'est ma pilosité précoce et abondante, sur mes jambes et sur mes bras. OUI, OUI, les poils. Je vois cela comme une grande victoire du masculin sur le féminin. Ma mère voulait me montrer comment m'épiler, craignant que je sois complexée. J'ai refusé. Loin de trouver cet aspect physique déplaisant, j'explique à ma mère que je suis très à l'aise avec cet aspect.


Cet été-là de 1977, j'avais quatorze ans, mon père avait pris deux mois de vacances. Mes parents avaient loué un terrain à Rivière-Éternité pour y mettre une petite roulotte. Nous allions passer l'été au chalet. Parfait, j'étais partant. Comme je n'avais pas une tonne d'amis, je ne me sentais pas tiraillé de laisser derrière mes amis pour la forêt, le lac et le calme de la nature. Ma solitude était déplaçable de toute façon.


En cette belle saison chaude, j'avais décidé de laisser mes poils exprimer leur masculinité. Ma pensée était que mes poils me donnaient enfin le privilège de vivre mon identité de garçon.


Pour le reste de la populace campeuse, j'étais une drôle de fille poilue, cela se voyait dans les regards. Je m'en moquais, puisque c'était la seule option pour laisser exister aux yeux du monde le ''petit homme dans ma tête''.


J'ai fait la connaissance des deux frères De Grand-Maison, des jumeaux identiques, ils avaient seize ans. J'imagine que ma pilosité enlevait du sex-appeal aux yeux des garçons. Comme blonde potentielle, si j'avais aimé les garçons, mon chien était mort. Cela n'avait pas une grande importance à ce moment-là, mes hormones étaient restées sûrement quelque part dans le sud et n'étaient pas encore revenues au pays ; comparé aux autres ados, je n'avais pas les hormones dans le tapis.


Les jumeaux, pour se moquer de moi, m'ont donné le surnom de ''tite-bête''.


Plus les jours avançaient, plus notre amitié grandissait et plus le ''tite-bête'' avait une note de gentillesse et d'affection. Nous étions ensemble tous les jours.


C'était facile d'être amis avec eux, nous avions tant de plans de nègre à faire ensemble. C'est un été mémorable où je me sentais bien. J'ai appris à aimer tant de choses en compagnie des garçons. Nous avions même apprivoisé un petit suisse ; on l'avait nommé Skirel. Il venait manger des arachides sur nos genoux. L'été suivant, le père des garçons était très malade ; je ne les ai plus jamais revus.


Extrait du journal (souvenirs) de Samuel



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