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"Lettres d'une amitié perdue"


Et si nous revenions à l'origine de notre amitié, qui, malgré le passage du temps, avait perduré dans mon cœur jusqu'à ce jour...


Nous étions en 1970. J'étais une fillette de 7 ans, triste d'être arrachée à mon berceau natal, mon cher Péribonka... Tu étais ma voisine d'en face et nous sommes rapidement devenues des amies inséparables. Nous nous confiions tout, ou presque. Je gardais pour moi seule un secret précieux : l'amour que je ressentais pour toi et cette troublante identité masculine que je ne comprenais pas encore. Il est vrai qu'à certains moments de ma vie, j'ai rêvé de toi comme mon amoureuse... J'ai préféré préserver notre précieuse amitié plutôt que de risquer de te perdre à cause de mon amour inavoué.


À chaque nouvel amour de ta part, je me sentais abandonnée, car je n'appartenais jamais au cercle de tes élus. Je savourais les rares moments où tu rendais possible un tête-à-tête. J'ai souvent pensé que, dans ces instants privilégiés, tu faisais appel à moi faute de mieux.


Tu t'es mariée et tu es devenue une maman comblée. De mon côté, je suis devenu un déserteur, m'établissant finalement comme Trifluvien d'adoption. Nos vies, nos responsabilités, nos réalités, nos problèmes et nos aspirations si différentes ont creusé une distance entre nous. Nos correspondances se sont éteintes... Pourtant, je n'ai jamais cessé de penser à toi. J'ai choisi l'anonymat pendant quelques années... Tu n'as jamais compris mon absence, due à un manque de talent pour écrire sur mes états d'âme... Des états d'âme que, de toute évidence, tu n'aurais pu comprendre. Tu en savais si peu sur moi, tu pensais me connaître alors qu'en réalité, tu connaissais une autre personne. Hélas ! les mots de ma transitude que je devais coucher sur le papier se traduisaient en banalités. Mon cœur aurait tant voulu crier ce secret, mais il est resté silencieux. Tu considérais mon cœur comme un coeur de pierre, faute d'intérêt apparent pour notre amitié. Ma vraie nature, tu ne la sauras jamais...


Mais un jour, l'urgence de te révéler qui j'étais devenue pressante. Imagine que le hasard favorise une rencontre... Visualise un homme qui vient vers toi avec un élan de joie, que tu ne reconnais pas. Qui oublie qu'il n'est plus celle que tu as toujours connue. Qui te prend dans ses bras et te dit : « Je suis si content de te revoir, tu m'as tellement manqué ! »... Beau malaise, n'est-ce pas ?


Ta fille a joué les intermédiaires entre nous. Nous avions planifié une rencontre très importante pour moi, mais elle n'a pas eu lieu. Ce n'était pas grave, je n'étais pas froissé, je comprenais les circonstances. Je ne t'ai pas écrit davantage. Encore une fois, tu m'as écrit pour me reprocher mon silence ! Pour toi, ma plume était devenue bien bavarde sur mon blog pour quelqu'un qui prétend ne pas aimer écrire. C'est avec le cœur lourd, après ta lettre, que mon encre s'est asséchée. J'y ai senti un sous-entendu : tu n'approuvais pas que j'affiche ma vie ainsi. J'ai perçu que tu t'étais sentie trahie par mon blog, découvert par hasard en voulant montrer une photo de ma transition à un cousin non informé de mon changement d'identité. Tes derniers mots m'ont profondément attristé... Je commence à peine à m'en remettre.


Chère amie, ma plume qui raconte mon histoire, c'est pour aider d'autres à traverser les épreuves de la transitude. À travers cette plume que tu trouves indiscrète, j'espère donner de l'espoir à mes pairs trans et les encourager à s'accomplir pleinement.


Combien de fois m'as-tu mise de côté pour tes amours ? Je n'ai pas le don d'entretenir une amitié ou toute autre relation, mon excuse étant ma grande indépendance, que j'assume pleinement. Mon vécu m'a forgé ainsi, et certains de mon entourage l'ont compris. Je suis malgré tout désolé que tu le prennes de cette façon. Je suis dévasté de voir notre amitié s'éteindre pour une telle raison.


Je vais permettre à ma plume de reprendre l'écriture de ce blog, car ici, je me sens utile à ma communauté.


Extrait du journal personnel (souvenirs) de Samuel

 

 

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