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  • zenitudetrans

Oh! capitaine, mon capitaine...




Je suis né en 1963 à Péribonka, au Lac-St-Jean. La maison où nous vivions dans mon enfance appartenait à la compagnie Abitibi-Price, pour laquelle mon père était comptable. Elle était située à quelques mètres du quai où accostait le Roberval, un remorqueur de pitounes de bois. Le week-end, le bateau faisait escale au quai.



Je me rappelle avoir adoré m'échapper de la maison pour me rendre à bord du bateau, où je me glissais dans la salle des machines pour aider Oscar à l'entretien. J'avais mon petit tabouret, réservé spécialement pour moi, que je plaçais soigneusement à côté d'Oscar, veillant à ne pas empiéter sur son espace nécessaire pour travailler efficacement. Avec une patience infinie, il prenait le temps de m'expliquer ce qu'il faisait, de me nommer les différents instruments et leurs fonctions. Ce que j'appréciais par-dessus tout, c'était lorsqu'il sollicitait mon aide pour lui passer les outils dont il avait besoin. Il me disait souvent : ''Je suis moins fatigué le soir quand tu m'aides''. Ces moments-là me donnaient un sentiment d'importance et de fierté indescriptible. C'est l'un de mes plus précieux souvenirs d'enfance.


Après avoir passé un moment avec Oscar, je remontais à la cuisine pour bavarder avec le cuisinier. Il me hissait sur le comptoir et me servait une petite gâterie. Il connaissait mes préférences par cœur : gâteau au chocolat, tarte aux bleuets et son sucre à la crème inimitable.


Ensuite, je montais au poste de pilotage pour voir le capitaine, qui écoutait la radio de la compagnie pour connaître la météo du lundi. Il me racontait des histoires extravagantes, auxquelles je croyais fermement. Cela le faisait beaucoup rire.


J'avais exploré chaque recoin du Roberval. J'avais même eu la chance de naviguer avec ma mère pendant quelques jours, réalisant ainsi mon plus grand rêve d'enfant. Mais cette expérience avait aussi été l'une de mes plus grandes déceptions. Le week-end suivant notre sortie en bateau, j'avais dit au capitaine que je voulais devenir capitaine comme lui quand je serais grand. Il avait éclaté de rire ''ça m'étonnerait beaucoup, petite, les filles ne deviennent pas capitaines de bateau, c'est un métier pour les garçons.''


Je me souviens être rentré à la maison en pleurant. Je ne comprenais pas pourquoi les aspirations des hommes que j'admirais étaient considérées comme inappropriées pour une fille comme moi. Ces moments ont laissé une marque indélébile sur mon présent et mon futur. Ce beau rêve d'avenir s'est envolé avec les brumes du soir sur la belle rivière Péribonka.


Oh! Capitaine, mon capitaine


Toi qui diriges le navire avec main de maître,

je rêve de prendre la barre et de voguer sur les mers,

Mais mon identité de genre est un obstacle.

Je voudrais être le capitaine de mon propre destin,

naviguer vers l'horizon sans craindre les embruns.

Mais les normes et les préjugés me retiennent prisonnier,

m'empêchant de réaliser mon plus grand désir.

Pourtant, je rêve chaque nuit de monter à bord,

de sentir le vent souffler dans mes cheveux, de défier les remous.

Et malgré les obstacles, je garde espoir en mon cœur,

que je pourrai, un jour, réaliser mon rêve de capitaine.

Alors, oh! Capitaine, mon capitaine,

Guide-moi sur les flots tumultueux de la vie,

Permets-moi de briser les chaînes qui m'entravent,

Et de devenir enfin la capitaine de mon destin.


Extrait du journal personnel (souvenirs) de Samuel


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